Postby Robierre » Sun Sep 16, 2018 4:39 pm
4th year
Week 6
Français
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"Sous la fraîcheur des frondaisons, le sentier de granite monte à l’assaut de la colline. Le vent de mer murmure dans les branches des pins et des châtaigniers. A chaque hectomètre, de minuscules oratoires abritent la représentation picturale d’une des quatorze scènes du chemin de Croix. De quoi relativiser l’effort du marcheur. Après une quarantaine de minutes, voici qu’apparaît enfin le sanctuaire de la Madone du Mont. Une église du XVIe siècle austère, nichée dans la verdure en surplomb du village de Marciana. Quelques pas plus loin, un ermitage. Le lieu est propice au recueillement, voire à la méditation. En fermant les yeux, il est facile de remonter le temps.
C’est ici qu’à l’été 1814, sur les hauteurs de l’île d’Elbe, un randonneur très particulier avait installé son bivouac: quelques toiles de tente, un lit de camp spartiate, une moustiquaire et un auvent vert. Napoléon Bonaparte avait un goût particulier pour cette retraite forestière, où il séjourna deux semaines. De ce balcon naturel, il contemplait la Corse, son île natale. Il pouvait fuir la chaleur étouffante de sa résidence de Portoferraio, port principal de l’île, et jouir en toute intimité de la présence éphémère de son amante polonaise, Maria Walewska. De l’avis d’experts, c’est sous le couvert de la Madone du Mont que l’empereur déchu passa les plus belles journées de son exil méditerranéen de dix mois.
Ces dix mois, un battement d’ailes en temps historique, auront fait de ce caillou de la mer Tyrrhénienne, situé à 10 kilomètres des côtes toscanes et 50 de la Corse, un lieu de mémoire de la légende napoléonienne. Il faut dire que sa présence aura profondément transformé la minuscule île (224 km², moins de la moitié du lac Léman) à l’histoire mouvementée. Jusqu’à son annexion par la France (1802), l’île d’Elbe était partagée entre trois Etats (grand-duché de Toscane, royaume de Naples, principauté de Piombino) et parlait trois patois. A l’arrivée de Napoléon, en mai 1814, elle se range unie derrière lui. Il va marquer la vie de ses habitants et des paysages, qu’il arpentera jour après jour à cheval.
C’est lui qui a tracé les routes et sentiers que l’on parcourt aujourd’hui. Qui a planté les vignes, les agrumes et les mûriers. Qui a dessiné le drapeau héraldique aux trois abeilles d’or qui fleurit encore sur les bâtiments et les voitures des insulaires. Les mines de fer, connues depuis les Etrusques et les Romains, il n’a cessé de les exploiter. Il a même capté la source, entre les villages de Marciana et de Poggio, qui porte son nom. Marcello vient tous les jours y tirer une eau fraîche aux propriétés anti-inflammatoires, tout droit descendue du Monte Capanne, le sommet de l’île (1019 m). Une eau que l’on peut aussi boire dans les cafés de Portoferraio, sous l’étiquette Fonte Napoleone.
C’est justement sous la façade rose du Caffé Roma, face au vieux port, que l’on rencontre le professeur Giuseppe Massimo Battaglini, historien, directeur du centre d’études napoléoniennes. Barbe taillée, veste élégante, le Corriere della Sera sous le bras, ce natif d’Elbe parle le français avec un accent érudit: «Les insulaires sont partagés sur le personnage de Napoléon, mais il est indiscutable qu’il a eu une influence durable sur l’île.
Aujourd’hui, elle lui doit beaucoup de sa notoriété, même si, honnêtement, les 200 plages aux eaux transparentes font plus pour sa fréquentation touristique.» En cheminant le long des 147 kilomètres de côtes, on aperçoit fréquemment de minuscules sentes s’enfoncer dans la végétation. Un panneau discret signale une plage. La plupart des 200 plages de l’île, presque confidentielles, ne s’atteignent qu’ainsi, à pied. On se baigne partout, même au cœur de Portoferraio, qui abrite un tiers des insulaires (27 000 au total). «Je loue une villa de famille aux touristes, sourit le Pʳ Battaglini. Quand ils me demandent si elle comporte une piscine, je leur réponds qu’ils connaissent mal l’île d’Elbe…»
Baies, criques, plages, falaises, roches blanches ou grises: ses côtes sont incroyablement ourlées. Ses eaux transparentes, protégées au sein du Parc national de l’archipel toscan, font le bonheur des plaisanciers. Elles abritent dauphins, mérous, poissons-lunes et mille autres espèces, que l’on retrouve grillées sur toutes les tables de l’île. A l’intérieur, Elbe est verte et vallonnée. A chaque virage apparaît un village aux maisons ocre, aux rues étroites. Ici, une forteresse jaillit du maquis. Napoléon, comme les Romains, voulait protéger son confetti d’empire des invasions. Ces collines sont venteuses. Sirocco (sud-est), mezzogiorni (sud), mistral (nord-ouest), tramontane (nord), ponant (ouest), levant (est): l’île est au carrefour des vents. «Les insulaires choisissent toujours leur plage sous le vent du jour», souffle le Pʳ Battaglini.
Le voici qui fait visiter les rues pavées et les grands escaliers du cœur historique de Portoferraio. Napoléon y passa ses deux premières semaines dans les bâtiments de l’hôtel de ville. Son regard portait sur la maison où Victor Hugo vécut trois années de sa vie, entre l’âge de 1 an et de 4 ans (1803-1806). Mais l’inconfort poussa vite l’empereur déchu à opter pour la Palazzina dei Mulini, la belle demeure bourgeoise où se trouvait le quartier général de la direction du génie. Aucun luxe ostentatoire. Mais l’ordonnancement des pièces, après rénovation, reproduisait les châteaux de Saint-Cloud, de Compiègne et de Fontainebleau, toutes proportions gardées.
En souvenir des champs de bataille, Napoléon dormait sur un lit de camp dans sa chambre; et même fréquemment sous la tente, dans le jardin. Son regard portait sur la côte toscane, le ballet des voiliers, les toits de sa ville. Dans sa bibliothèque, les ouvrages qu’il a fait venir de Fontainebleau portent un N doré sur la tranche. Mais très vite, il achète au prix fort une résidence secondaire dans une vallée toute proche, la Villa di San Martino. «C’est là qu’il organisait des soupers ou des conversations, comme on disait alors», explique le professeur Battaglini. Dans la salle à manger, le décor du plafond illustre l’amour entre Napoléon et Marie-Louise, symbolisé par deux colombes qui, en s’éloignant, resserrent un nœud.
Le culte de Napoléon survivra bien après son départ pour les Cent-Jours, le 26 février 1815. En 1851, le comte russe Anatoli Demidov, qui épousa sa nièce, fit construire sous la villa une somptueuse galerie ornée d’aigles et de N. Une messe est organisée chaque année en sa mémoire, devant un cercueil vide. Signe des temps, l’empereur survit désormais sous forme de produits dérivés: cartes postales, tasses, t-shirts… Curieusement, un culte est aussi rendu à la séduisante figure de Pauline, sœur de l’empereur, connue ici pour ses mœurs prétendument libérées. On lui a même fait le plus grand des honneurs en donnant son nom à la jolie plage où elle avait ses habitudes: la spaggia Paolina."
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Robierre on Sun Sep 16, 2018 5:04 pm, edited 1 time in total.
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Si ce n'est toi, qui le fera? Si pas maintenant, quand sera-ce?